Le courage d’innover en période de crise sanitaire mondiale

Hôpital CHUM

« Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, la technologie patient connect est d’autant plus pertinente qu’elle améliore la sécurité du patient et du personnel soignant qui peut désormais suivre le patient à distance. L’interface patient Connect permet d’appuyer le travail de nos équipes en optimisant leurs tâches », affirme Joanne Guay, directrice des technologies de l’information et des télécommunications du CHUM.

CONTEXTE

En 2017, le Centre Hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) déménageait ses trois hôpitaux dans un seul et même site. Cet hôpital de classe mondiale dispose de 772 lits et de technologies de pointe pour offrir des soins de qualité à ses patients à l’intérieur de 57 spécialités. Le CHUM regroupe plus de 2 500 infirmières qui représentent la force motrice du milieu de la santé[1]. Dans le contexte de la crise de la COVID-19, les directions des ressources technologiques et des soins infirmiers du CHUM ont pris la décision de déployer une technologie de capture des signes vitaux dans deux unités dédiées au suivi des patients atteints de la COVID-19. Cette décision visait à introduire une innovation qui, dans un contexte de stress des équipes infirmières, était capable de les libérer des activités à faible valeur ajoutée clinique. Sachant que 20% de la retranscription des signes vitaux d’un moniteur vers un dossier clinique informatisé (DCI) peut engendrer des erreurs[2], l’objectif est également d’améliorer le processus de surveillance clinique tant pour les patients que pour les infirmières.

Dans cette période particulière de crise de la COVID-19, ce projet d’innovation n’aurait pas été possible sans le leadership du CHUM et son engagement pour l’innovation au service des soins. Prendre la décision d’introduire une innovation technologique dans des unités de soins soumises à une forte pression sanitaire n’a pas été simple. La question principale à laquelle il fallait répondre était de savoir comment introduire une innovation technologique dans des unités de soins occupés par des patients hautement contagieux et avec un fournisseur dont les employés sont tous en télétravail. Il aurait certainement été plus facile de ne rien faire. Mais le CHUM a décidé d’aller de l’avant, convaincu que ces risques étaient gérables et que les gains liés à ce projet étaient trop importants à la fois pour les patients et les infirmières.

PROBLÉMATIQUE

En mars 2020, le Québec est en alerte avec l’arrivée de la COVID-19. Une cellule de crise est créée et s’active à déceler des solutions afin de diminuer l’entrée du personnel soignant dans les chambres des patients. La technologie des objets connectés est identifiée comme une solution potentielle. On sait que la collecte de données en temps réel facilite l’analyse et le suivi des patients par le professionnel de la santé[3]. Le service du Génie biomédical (GBM) possède un parc de moniteurs pour signes vitaux. Une solution d’interopérabilité de ces appareils centrée sur le patient et permettant la collecte des signes vitaux ainsi que la remontée des données dans le dossier patient est envisagée. Cette solution a fait ses preuves à l’Institut de Cardiologie de Montréal (ICM) dans un contexte de soins intensifs avec des ventilateurs et des pompes. L’ICM déclare un gain de productivité en matière de temps. Un projet qui a pour but de prévenir la retranscription des données des signes vitaux de moniteurs multiparamétriques, installés dans des chambres de patients atteints de la COVID-19 dans le DCI, est initié. Les objectifs visés sont de (1) diminuer la double saisie liée à la retranscription des signes vitaux (température, pression artérielle, pouls, saturation et respiration) du moniteur Welch Allyn™ et (2) d’intégrer les signes vitaux saisis à partir des moniteurs Welch Allyn™ dans le DCI Oacis™ en utilisant la technologie «Patient Connect»™.

RÉSULTATS

Une des premières étapes du projet a consisté à cartographier le processus clinique souhaité. L’équipe projet, incluant deux cliniciennes, l’a développé en tenant compte des enjeux cliniques et technologiques. La collecte des signes vitaux s’effectue à partir du moniteur Welch Allyn™, lequel est branché à la prise réseau identifiée par le service de génie biomédicale (GBM). L’usage d’un lecteur de code à barres est mis de l’avant pour la reconnaissance du patient à partir de son bracelet de même que pour la reconnaissance du soignant à partir de sa carte d’employé. Pour des objectifs de contrôle qualité et pour s’assurer que les signes vitaux apparaissent dans les fenêtres associées à cette information dans le DCI au bon moment, il est recommandé de cibler le mode d’envoi ponctuel plutôt que le mode d’envoi automatisé. Les constantes vitales apparaîtront ainsi qu’au moment où l’infirmière déclenchera l’envoi à partir du moniteur. Afin de nous assurer de reproduire le processus souhaité en tenant compte de la satisfaction du personnel clinique, nous avons tenu près de 10 séances de tests d’intégration clinique où plusieurs participants provenant de secteurs cliniques, informatiques, biomédicaux et fournisseurs ont collaboré.

Le déploiement eut lieu les 22 et 23 juin 2020. Une formation sur les trois quarts de travail fut effectuée durant ces journées en plus d’une période supplémentaire. De l’accompagnement sur le terrain de même qu’une aide à la tâche ont été offerts au personnel infirmier. Au cours des premiers jours, même si des suggestions d’optimisation du processus sont proposées, le personnel clinique transmet comme rétroaction que la nouvelle technologie de capture est simple et facile à adopter. La rétroaction obtenue du personnel clinique porte à croire que le choix d’un processus clinique, orienté vers la prise de signes vitaux en mode ponctuel plutôt qu’en mode automatisé a contribué à faciliter la gestion du changement. Qui plus est, il a été observé qu’en contexte de pandémie, un nouveau processus clinique, implanté selon des processus connus, est un facteur de succès[4].

CONCLUSION

« Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, la technologie patient connect est d’autant plus pertinente qu’elle améliore la sécurité du patient et du personnel soignant qui peut désormais suivre le patient à distance. L’interface Patient Connect permet d’appuyer le travail de nos équipes en optimisant leurs tâches », affirme Joanne Guay, directrice des technologies de l’information et des télécommunications du CHUM.

L’expérience du CHUM et de ses équipes, en matière d’innovation et d’implantation de nouvelles technologies en contexte clinique, s’est largement reflétée dans ce projet. Elle a été cruciale à sa réussite dans une période marquée par la COVID-19. Ce projet a démontré l’importance pour une organisation de santé d’implanter une culture d’innovation dans tous ses secteurs. Celle-ci devient ensuite le moteur de l’action et de l’amélioration continue des pratiques de soins quel que soit le contexte. L’engagement du CHUM en matière d’innovation n’est plus à démontrer. L’établissement est nommé dans le palmarès du magazine américain Newsweek des hôpitaux les plus innovants au monde. Il se classe également au premier rang canadien de l’édition 2021 du World’s Best Smart Hospital.

Notons enfin que les résultats de ce projet offrent une perspective intéressante quant à un déploiement progressif dans d’autres unités de soins ainsi que dans les secteurs ambulatoires. Le CHUM planifie ainsi en 2022, d’élargir son projet aux moniteurs de signes vitaux Philips et d’introduire l’utilisation du wifi et de la mobilité dans l’utilisation des biomédicaux dans le contexte de patient connect.


[1] Rouleau, G., Gagnon, M.-P., Côté, J., Payne-Gagnon, J., Hudson, E., & Dubois, C. A. (2016). How Do Information and Communication Technologies Influence Nursing care? IMIA IOS Press, Nursing Informatics 2016, 934‑935. https://doi.org/10.3233/978-1-61499-658-3-934

[2] Baeur, J. C., John, E., Wood, C. L., Plass, D., & Richardson, D. (2020). Data Entry Automation Improves Cost, Quality, Performance, and Job Satisfaction in a Hospital Nursing Unit. The Journal of Nursing Administration, 50(1), 34‑39.

[3] Kang, S., Baek, H., Jung, E., Hwang, H., & Yoo, S. (2019). Survey of the demand for adoption of Internet of Things (IoT)-based services in hospitals : Investigation of nurses’ perception in a tertiary university hospital. Applied Nursing Research, 27, 18‑23. https://doi.org/org/10.1016/j.apnr.2019.03.005

[4] Griebenow, L., Timm, J., Senn, M., Stancl, M., & Mayo Clinic. (2013). Case Study : Developing Nursing Partnerships to Support a Successful Electronic Medical Record Implementation. Computers, Informatics, Nursing, January, 1‑6. https://doi.org/10.1097/NXN.0b013e3182806174